Document de destination et nouveau modèle de relevé intracommunautaire

A la veille des fêtes de fin d’année, le Moniteur belge a publié trois arrêtés royaux, tous datés du 11 décembre 2019, consacrés aux modalités d’exécution de ce qu’on appelle les ‘solutions rapides’ (‘quick fixes’) qui sont entrées en vigueur le 1er janvier 2020 (MB, 23 décembre 2019; voyez au sujet de ces ‘solutions. Le relevé des opérations intracommunautaires se voit adjoindre une ‘partie 2’ dans laquelle les expéditions de biens vers un autre pays de l’UE dans le cadre de ‘stocks sous contrat de dépôt’ doivent faire l’objet d’un reporting (nouvel AR n° 52). En outre, le ‘document de destination’ qui peut être utilisé comme preuve pour les transports de biens vers un autre pays de l’UE acquiert une base légale (nouvel AR n° 50). Un troisième AR apporte les adaptations y afférentes dans les AR d’exécution n° 1 et 44.


Régime légal pour le ‘document de destination’


La livraison intracommunautaire de biens est en principe exonérée de TVA. Pour bénéficier de cette exonération, il est désormais expressément requis que l’acquéreur communique à son fournisseur son numéro de TVA de l’Etat membre d’arrivée des biens (nouvel art. 39bis, al. 1, 1°, b), CTVA). De plus, la livraison doit être déclarée correctement dans le relevé intracommunautaire (nouvel art. 39bis, al. 2, CTVA; voyez aussi ci-après).


Comme précédemment, le transport des biens vers un autre Etat membre doit pouvoir être prouvé. La manière dont cette preuve doit être organisée est désormais harmonisée au niveau européen. La preuve de l’expédition peut désormais être apportée comme suit (art. 45bis, al. 1 et al. 3, Règlement d’exécution TVA) :


* Lorsque le vendeur s’occupe du transport : soit au moyen de deux “éléments de preuve non contradictoires” délivrés par “deux parties différentes qui sont indépendantes l’une de l’autre, du vendeur et de l’acquéreur” (p.ex. un document CMR signé, un connaissement, une facture du transporteur des biens); soit au moyen d’un seul “élément de preuve non contradictoire” du transport (document CMR, etc.), complété par un seul élément de preuve non contradictoire qui se rapporte indirectement au transport (p.ex. une police d’assurance concernant le transport des biens, ou des documents bancaires prouvant le paiement du transport des biens).


* Lorsque l’acquéreur s’occupe du transport des biens, les documents précités doivent être complétés par un document de destination attestant que les biens ont été expédiés ou transportés par lui, ou par un tiers pour son compte, et spécifiant l’Etat membre de destination des biens.


Le nouvel AR n° 52 “relatif aux moyens de preuve en ce qui concerne les exemptions relatives aux livraisons intracommunautaires de biens et aux opérations y assimilées et relatif à l’exemption des acquisitions intracommunautaires de biens et des opérations y assimilées”, exécute cette mesure.


* La règle générale demeure que le fournisseur doit pouvoir démontrer la réalité de l’expédition ou du transport des biens à l’aide d’un ensemble de documents (art. 1 et 3, § 1).


* “Outre cette règle générale” (rapport au Roi), le fournisseur peut invoquer les présomptions réfragables précitées du Règlement d’exécution (art. 3, § 2).


* Le régime européen n’empêche pas que d’autres documents puissent être admis comme preuve. C’est pourquoi les biens “sont présumés, sauf preuve contraire par l’administration, être expédiés ou transportés à partir de la Belgique vers un autre Etat membre lorsque le fournisseur est en possession des documents suivants dont le contenu n’est pas en contradiction avec celui” d’autres documents de transport :


– “un document de destination relatif à ces biens”;


– “la facture relative au transport lorsque celui-ci est effectué pour le compte du fournisseur” (art. 3, § 3, al. 1).


Sous le régime belge, le document de destination peut donc aussi être utilisé, même lorsque c’est le vendeur qui s’occupe du transport. Cette nouvelle disposition “offre un cadre réglementaire stable” au régime administratif actuel du document de destination (rapport au Roi; voyez la décision du 1er juillet 2016, n° E.T.129.460;


Toutefois, le document de destination ne peut pas être invoqué “lorsque le fournisseur savait ou devait savoir que les biens n’ont pas été expédiés ou transportés à partir de la Belgique dans un autre Etat membre” (art. 3, § 3, al. 2).


Le contenu et la périodicité du document de destination sont analogues à ceux de l’ancien régime administratif (art. 4, § 1). Mais, par opposition à l’ancien régime, le document peut désormais aussi être “daté et signé” par le gestionnaire d’un entrepôt lorsque les biens ne sont pas expédiés ou transportés vers un ‘établissement’ de l’acquéreur (art. 4, § 2, al. 3).


Nouveau modèle de relevé intracommunautaire


Les ‘solutions rapides portent notamment sur les ventes de biens ‘en dépôt’ (cf. le régime des ‘envois en consignation’).


Le nouveau régime comprend deux piliers.


* L’expédition de biens vers un autre pays de l’UE, et leur arrivée, ne donnent pas lieu (dans le cas de ventes ‘sous le régime des stocks sous contrat de dépôt’) à un transfert intracommunautaire (art. 12ter, § 1, CTVA lorsque les biens sont expédiés de la Belgique vers un autre Etat membre).


* La vente ultérieure n’est pas considérée comme une vente locale, mais est considérée au moment de ‘l’appel’ comme une vente intracommunautaire par le fournisseur (art. 12ter, § 3).


Ce régime ne peut être appliqué que moyennant le respect de certaines conditions. Si ce n’est pas le cas, l’expédition sera considérée comme un transfert (art. 12ter, § 7, CTVA), et la vente subséquente éventuelle, comme une livraison locale.


Des règles analogues s’appliquent lorsque les biens sont expédiés d’un autre Etat membre vers la Belgique (art. 25bis, § 3 et 25quater, § 1, al. 2, CTVA).


Ce régime fait naître un certain nombre d’obligations formelles nouvelles.


Registres


L’expédition des biens doit être inscrite dans un registre (art. 54bis, § 1, al. 3, CTVA). Lorsqu’un client belge réceptionne des biens, il doit les inscrire dans un registre (art. 54bis, § 1, al. 4, CTVA). Les données qui doivent être mentionnées dans le registre sont énumérées à l’article 54bis du Règlement d’exécution (à savoir l’Etat membre du départ ou de l’arrivée, l’identité de l’acquéreur ou du fournisseur, la quantité et la valeur, etc.). Ces dispositions ne doivent pas être transposées en droit interne. Dans l’AR n° 1 qui règle les formalités à accomplir, il est fait désormais référence aux dispositions du Règlement d’exécution (nouvel art. 24bis, § 1 et art. 24ter, § 1, AR n° 1, tels que modifiés par le troisième AR du 11 décembre 2019). Les membres d’une unité TVA doivent tenir ce registre chacun séparément (nouvel art. 24bis, § 2 et art. 24ter, § 2, AR n° 1).


Relevé intracommunautaire


A l’occasion de l’expédition, l’identité et le numéro de TVA de l’acquéreur doivent en outre être repris dans le relevé intracommunautaire (art. 53sexies, § 1, 4°, CTVA). Au moment de la vente, il faut ensuite aussi déclarer une livraison intracommunautaire ‘ordinaire’ dans le relevé intracommunautaire.


Le modèle du relevé intracommunautaire est adapté “pour des raisons d’ordre pratique et informatique” (rapport au Roi). Le relevé se compose désormais de deux parties. La partie 1 porte sur les livraisons et les prestations de services intracommunautaires. Le contenu de cette partie n’a pas été modifié. Le relevé est étendu à une ‘partie 2’ qui vise spécifiquement l’expédition de biens vers un autre Etat membre de l’UE dans le cadre de la vente de biens ‘en dépôt’. L’on peut découvrir tout cela dans le nouvel AR n° 50 du 11 décembre 2019. Ce qui est toutefois étonnant, c’est que dans sa version publiée, le nouvel AR ne contient en annexe que le modèle de la partie 1 du relevé intracommunautaire et pas celui de la partie 2.